Mon retour d’expérience avec la banque mobile N26

Il y a près de six mois, j’ai ouvert un compte au sein de la banque mobile N26 afin d’évaluer son accessibilité et voici ce qu’il est possible de dire à ce sujet, en tant que personne aveugle !

Le concept

A l’heure de la mobilité décomplexée, de plus en plus d’acteurs du numérique tentent de proposer des services en faveur de la dématérialisation. Au-delà des cryptomonaies qui ont le vent en poupe, l’écosystème bancaire dans sa globalité ne saurait échapper à cette tendance et c’est ainsi que l’on a commencé à voir fleurir de nouveaux protagonistes désireux d’en profiter.

C’est dans ce contexte qu’est apparue il y a un peu plus d’une année N26, une entreprise allemande qui a décidé de repenser, de chambouler (ou encore disrupter comme diraient certains) la relation que nous avons avec notre banque. Son objectif n’est ni plus ni moins que de replacer le client au centre du jeu, afin qu’il ait l’impression que la banque est à son service et non qu’il est au service de sa banque, comme on en a l’habitude en occident depuis la fin du XIXe siècle.
Entretemps, d’autres sociétés se sont engouffrées dans la brèche à l’instar d’Orange (avec la médiocrité qui la caractérise en terme d’accessibilité).

Pour se distinguer de leurs aînées, ces néo-banques ont notamment entrepris de transformer le smartphone en un guichet unique et virtuel disponible à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, sept jours sur sept, permettant ainsi de réaliser la plupart des opérations bancaires traditionnelles et bien plus encore ! En outre, elles proposent des services bancaires à bas coût, quand ils ne sont pas gratuits sous certaines conditions !

A titre d’exemple, avec N26 il est possible de disposer d’un compte bancaire adossé à une carte de débit Master Card, sans aucun frais de tenue de compte sous réserve de l’utiliser un certain nombre de fois dans un délais imparti. Une carte dont on peut instantanément changer le code PIN, les plafonds de paiements et même la verrouiller temporairement (en cas de perte).
Enfin, depuis le début de cette année, N26 propose également des offres de crédit à la consommation, un découvert et la possibilité de faire de l’épargne.

L’inscription

Intrigué par le fonctionnement et surtout par son accessibilité aux déficients visuels, j’ai décidé de m’y inscrire. Une formalité en apparence, sauf pour quelqu’un comme moi qui a un handicap visuel.

En effet, après avoir téléchargé l’application depuis l’App Store, je me suis rapidement heurté à une accessibilité très médiocre (et le mot est faible). A l’époque, l’interface de l’application iOS était tellement impraticable, que je n’ai eu d’autre choix que de me rabattre sur l’interface web à l’aide de mon Mac au beau milieu de l’étape où l’on renseigne ses coordonnées. J’ignore si les choses ont évolué dans le bon sens aujourd’hui, mais dans la mesure où N26 ne semble pas disposer à prendre le problème à bras-le-corps, je suis quelque peu dubitatif à ce sujet.

Pour pouvoir passer à l’étape suivante, N26 contraint l’utilisateur à passer par son application mobile puisqu’il est nécessaire de réaliser une authentification sécurisée en vidéoconférence. Une étape d’autant plus cruciale que l’on doit présenter deux pièces d’identité (carte et passeport), un justificatif de domicile et se montrer avec ces mêmes pièces dans les mains en réalisant des gestes pour s’assurer que l’on est bel et bien le détenteur de ces documents.

Comme j’avais mis un point d’honneur à ne pas solliciter l’aide d’une tierce personne de mon entourage, j’ai expliqué gentiment à mon interlocuteur que je suis une personne aveugle et qu’il lui suffirait de me guider afin que la caméra du smartphone lui montre ce dont il a besoin. Le premier opérateur vraisemblablement pas très patient a fini par me dire que le processus était bien trop pénible et qu’il vaudrait mieux que je trouve un voyant pour le faire à ma place. Etant quelqu’un d’obstiné, j’ai refusé cette possibilité et au bout de deux tentatives infructueuses, j’ai fini par mener à bien l’opération avec une charmante opératrice qui a pris le temps de me guider.

A l’issue de cette étape, j’ai reçu un code par SMS qui m’a permis de finaliser l’inscription et il ne me restait plus qu’à attendre la réception de ma carte bancaire, laquelle est apparue dans ma boîte aux lettres quelques jours plus tard.

N26 au quotidien

A la réception de la fameuse carte, il convient de l’activer en renseignant son numéro d’identification. Comme je n’avais toujours pas l’intention de solliciter quelqu’un de mon entourage, je l’ai obtenu en le numérisant avec KNFB Reader. Dans la foulée, j’en ai également profité pour ajouter cette carte à Apple Pay dans l’iPhone et l’Apple Watch puisque N26 est compatible avec ce service !

Etant donné que le seul guichet de N26 n’est autre que notre smartphone, tout se passe dans l’application éponyme. Une app à l’image de la négligence qui caractérise cette banque sur le plan de l’accessibilité, puisqu’elle regorge d’éléments non labellisés (et non-labellisables), ainsi que d’un dysfonctionnement du suivi du curseur VoiceOver à certains endroits de l’application ce qui nous contraint à user de subterfuges pour cibler les éléments directement.

L’autre problème et non des moindres, c’est que N26 ne propose que des IBAN allemands, et bien que la législation européenne fait obligation aux entreprises d’accepter n’importe quel IBAN de l’Union européenne, il n’est pas rare que des opérateurs français le refuse sans justification valable.

Du reste, je ne me sers désormais de cette application que pour initier un virement, effectuer des manipulations sur ma carte bancaire, consulter le solde du compte et les transactions récentes.

En conclusion

Si sur le papier le concept de N26 est plutôt séduisant, force est cependant de constater qu’en pratique les écueils rencontrés afin de parvenir à s’en servir correctement sont assez dissuasifs pour une personne qui ne serait pas rompue à l’exploitation des aides techniques dans un contexte relativement défavorable et complexifié par des obstacles techniques extérieurs. Pour autant, je ne regrette toujours pas d’avoir conduit cette expérience à son terme (même six mois plus tard), car au-delà des interactions humaines et techniques qu’elle a suscitées, l’utilisation du compte N26 et sa carte bancaire au quotidien n’est pas si désagréable finalement, notamment avec Apple Pay.

Mise à jour

Précision du 15 mars 2018 : Suite à mon édito, j’ai été contacté par un membre de l’équipe en charge du développement chez N26 pour nous faire savoir qu’ils ont entrepris une refonte globale de leur interface applicative, avec un soin particulier accordé à l’accessibilité (voir le message original ci-dessous en Anglais) :

Hey there. I’m a web lead developer at N26. I’m very sorry (but not surprised) the experience has been painful… For what it’s worth, we are currently rebuilding the web-app with a very strong focus on accessibility. This is one of my top priorities.