Depuis plusieurs années, les portes d’une banque traditionnelle ne faisaient plus partie de mon quotidien. À travers les néo-banques, j’avais trouvé l’autonomie immédiate et une précieuse liberté, affranchie des contraintes d’antan. Mais une récente démarche m’a ramené dans l’univers de ces institutions, où l’architecture imposante et les protocoles immuables dressent leurs remparts du passé. Pour moi, qui suis aveugle, cette incursion a révélé combien inclusion et modernité restent, pour certaines banques, des idéaux lointains.
Une connivence entravée par les formalités
Dès mon arrivée, Céline (appelons-la ainsi) m’a accueillie avec une cordialité sincère, ses gestes aussi éloquents que ses mots et son sourire. Entre nous, une connivence s’installait naturellement, presque comme si cette démarche devait s’ouvrir sur un parcours simple et fluide, un pas de plus vers l’autonomie. Mais au moment de finaliser les formalités, mon rêve d’inclusion s’est heurté à une barrière inattendue.
Le smartphone écarté, au nom du protocole
En effet, pour lire et signer les documents d’ouverture de compte, j’ai naturellement proposé mon fidèle iPhone, cet allié qui, chaque jour, m’ouvre les portes de l’autonomie et me permet de naviguer dans le monde libre de toute contrainte. Céline m’écoutait avec attention ; après un bref échange avec ses collègues, un tantinet embarrassée, elle m’a finalement annoncé que seule la présence d’une tierce personne, munie de sa pièce d’identité, pouvait authentifier ma signature lors d’un second rendez-vous, bien sûr, car pourquoi se contenter de l’efficacité quand on peut opter pour le cérémonial ?
À cet instant, un sentiment de frustration m’a envahi, comme si l’on balayait d’un revers les progrès que je croyais acquis en 2024. Comment concevoir qu’à notre époque, où les technologies d’assistance abondent, il faille encore renoncer à une autonomie devenue presque ordinaire ? En un instant, ce rêve d’inclusion se dérobait sous mes pieds, me renvoyant à une dépendance que je tenais pour révolue. Heureusement, j’avais privilégié la marche ; faute de quoi, cette visite infructueuse aurait même engendré des frais superfétatoires.
Céline, visiblement tiraillée entre son envie d’aider et l’inanité de cette formalité, m’a adressé un sourire complice, comme pour atténuer l’absurdité de la situation. « En fait, je pourrais tout aussi bien demander à un passant dans la rue de venir… », ai-je murmuré avec un sourire. Elle a ri, sans me contredire. Puisque ce second rendez-vous est désormais de rigueur, ce sera finalement l’occasion de revoir Céline. Après tout, qui sait où cette nouvelle échappée pourrait bien nous mener…
La technologie, un potentiel en suspens
Aujourd’hui, la technologie nous offre des alliés précieux : reconnaissance de texte, signature électronique, intelligence artificielle. Autant d’outils qui, discrètement, transforment pour des millions de personnes des démarches ardues en expériences fluides et accessibles. Mais dans bien des institutions, ces avancées semblent s’étioler dans le silence, reléguées aux confins de procédures figées, indifférentes à leur potentiel.
L’accessibilité ne devrait point être une faveur concédée à contrecœur, mais un droit légitime. Refuser ces outils, c’est ériger des barrières invisibles, assignant certains à un parcours où l’autonomie demeure un idéal chimérique.
Conclusion
En partageant cette expérience, mon souhait est d’inviter à une réflexion collective. Puissent ces institutions ouvrir leurs portes à l’air du temps et faire de chaque parcours une rencontre, où la modernité et l’humanité avancent main dans la main vers un horizon commun.
Kevin
Salut Kévin, On ne peut assurément que regretter cette situation qui n’est pas seulement valable dans les banques mais dans toute administration où nous sommes censés certifier un engagement: démarche chez un notaire, … Ce que tu viens d’expérimenter, c’est de te retrouver sous le coup de la “loi de Ventose”, une très vieille loi Napoléonnienne. A l’époque où elle a été promulguée, cette loi a eu pour effet de nous protéger contre de multiples abus de faiblesse mais comme tu le dis, les moyens technologiques dont nous disposons aujourd’hui la rendent totalement obsolète et, de ce fait, discriminatoire. J’avais sollicité il y a quelques années le député de ma circonscription pour lui demander de réfléchir à l’abrogation de cette loi mais tu te doutes bien que c’est le cadet de leurs soucis. Peut-être nous faudrait-il plutôt lancer une salve de sollicitations, chacun à notre niveau, c’est-à-dire au député de notre circonscription. Mais j’en doute malheureusement. En attendant, le seul endroit où on m’a autorisé à bypasser cette fameuse loi de Ventose, c’est… Ben oui… La Gendarmerie Nationale qui m’a permis de scanner ma déposition avant de la signer. Le gendarme qui me l’avait prise a simplement ajouté que (1) après l’avoir numérisée, j’ai pu lui la relire à haute voix et que, de ce fait, il était sûr que j’en avais pris connaissance, et (2) que j’étais sain de corps et d’esprit. L’explication de ce contournement, possible devant toute personne dite “assermentée” et pas ailleurs est toute juridique et serait trop longue pour ce commentaire.
Merci Chris pour cet éclairage si précieux sur la loi de Ventôse ! C’est fascinant de voir que des règles édictées à l’époque de Napoléon puissent encore influencer notre quotidien, et pas toujours dans le bon sens. Il est vrai que cette loi, bien intentionnée à sa création, devient aujourd’hui une source de contraintes pour ceux d’entre nous qui espèrent vivre pleinement leur autonomie grâce aux technologies modernes. Ta suggestion de solliciter les députés est intéressante et mériterait d’être explorée, bien que, comme tu le dis, ce soit sans doute le cadet de leurs soucis actuels… Quant à la Gendarmerie Nationale, leur approche pragmatique démontre que des alternatives existent. On ne peut qu’espérer que d’autres institutions finiront par suivre leur exemple pour faciliter un parcours plus inclusif.
Finalement, j’ai eu l’occasion de revoir Céline, et l’ouverture du compte a été finalisée en présence d’une tierce personne voyante. Je lui ai également montré cet article sur mon iPhone, qu’elle a trouvé rédigé avec élégance et objectivité, non sans s’amuser du pseudonyme que je lui avais attribué. 😄
Par ailleurs, une discussion existe sur notre forum, où des thématiques similaires sont abordées, notamment la valeur d’une signature lorsqu’on ne peut pas voir : https://www.edencast.fr/topic/valeur-de-nos-signatures/.