L’application Greta s’était imposée comme un outil précieux pour les cinéphiles déficients visuels, offrant la possibilité de télécharger des audiodescriptions et de les synchroniser avec les films, qu’ils soient projetés en salle, diffusés à la télévision ou visionnés en Blu-ray, DVD ou via des plateformes de streaming. Mais avec ses récentes restrictions, son utilité se trouve aujourd’hui largement remise en question.
Une accessibilité entravée par des contraintes arbitraires
Autrefois libre d’accès, le téléchargement des audiodescriptions via Greta est désormais soumis à des conditions restrictives : l’activation obligatoire de la localisation et la sélection d’un cinéma à “soutenir” avant d’obtenir la piste audio. Cette contrainte s’applique même lorsque l’on souhaite visionner un film chez soi, par exemple en VOD.
Cette évolution soulève plusieurs incohérences :
- Pourquoi contraindre l’utilisateur à choisir une salle de cinéma alors qu’il ne projette pas de s’y rendre ?
- Pourquoi restreindre l’accès aux pistes audiodécrites, même une fois le film retiré de l’affiche ?
- Quelle logique sous-tend cette corrélation artificielle entre le téléchargement et un cinéma donné, alors que celui-ci ne diffuse parfois même plus le film concerné ?
Loin de faciliter l’accès à l’audiodescription, Greta impose ainsi des verrous inutiles, reléguant au second plan la liberté et l’autonomie de ses utilisateurs.
Une solution qui permettait une expérience inclusive
L’un des atouts majeurs d’une application comme Greta résidait dans la possibilité d’accéder à l’audiodescription sans qu’elle soit imposée aux personnes voyantes partageant la séance. Lors d’un visionnage en famille ou entre amis, chacun pouvait profiter du film à sa manière : la piste audiodécrite pour ceux qui en ont besoin, la version standard pour les autres.
Ce type de flexibilité est essentiel, car l’audiodescription intégrée aux Blu-ray ou aux plateformes de streaming impose souvent une expérience unique pour tous les spectateurs. Greta permettait donc un compromis idéal, en offrant une accessibilité individuelle sans altérer le confort des autres. Avec ces nouvelles restrictions, cette approche est désormais fragilisée.
Une orientation dictée par des considérations économiques ?
Ces restrictions interrogent sur la philosophie qui guide désormais l’évolution de Greta. Loin de sa vocation initiale d’accessibilité, l’application semble s’inscrire dans une logique où l’intérêt des exploitants prime sur celui des utilisateurs.
L’obligation de “soutenir” un cinéma avant d’accéder à une audiodescription laisse penser que des impératifs économiques ont pris le pas sur l’inclusivité. Or, en matière d’accessibilité, la gratuité et la simplicité d’usage devraient prévaloir sur toute autre considération.
Si ce repositionnement vise à assurer la viabilité financière de Greta, il se fait au prix d’une régression en matière d’accessibilité, et ce, au détriment de celles et ceux pour qui l’audiodescription représente un droit fondamental et non un privilège conditionné.
Une utilité en déclin
Pensée à l’origine comme une solution de substitution aux dispositifs existants dans les salles obscures, Greta voit aujourd’hui son intérêt s’éroder. Pour les spectateurs fréquentant des cinémas déjà équipés de boîtiers adaptés, tels que les UGC, l’application n’apporte aucune valeur ajoutée. Quant à ceux qui espéraient en faire un outil leur permettant d’accéder durablement aux audiodescriptions après la sortie des films, ils constatent que certaines pistes deviennent inaccessibles avec le temps, sans qu’une explication claire ne soit fournie.
Ce choix éditorial réduit considérablement l’impact de Greta et laisse un vide dans l’accès à l’audiodescription hors des salles de cinéma.
Des alternatives encore insuffisantes
Face à ces nouvelles restrictions, quelques alternatives existent, bien que leur portée reste limitée. Twavox et Audio Everywhere permettent d’accéder à l’audiodescription dans certains cinémas, mais leur usage reste confiné à ce cadre. Earcatch, de son côté, adopte une approche similaire à Greta, mais son catalogue demeure tout aussi lacunaire.
L’idéal serait une initiative portée à plus grande échelle, garantissant un accès libre et centralisé aux pistes audiodécrites, indépendamment du support de diffusion. Un tel projet supposerait une mobilisation des ayants droit et des institutions concernées, mais il répondrait enfin aux attentes des personnes déficientes visuelles en leur offrant un accès pérenne à l’audiodescription.
En l’état, Greta, autrefois perçue comme une avancée, semble avoir dévié de sa trajectoire initiale. Si elle persiste dans cette voie, elle risque de se heurter à une désaffection croissante de la part de sa communauté, qui peine désormais à y trouver un véritable intérêt.
Source : La discussion initiée par Sabrina sur notre forum.