Dans notre quotidien de personnes déficientes visuelles, la synthèse vocale s’est imposée comme une alliée précieuse, nous ouvrant les portes de l’information et facilitant nos interactions avec un monde souvent peu adapté à nos besoins. Mais à quel point la voix qui nous lit nos messages reflète-t-elle réellement ce qui a été écrit ? Si cet outil est devenu indispensable, il est aussi intéressant d’examiner les subtilités qu’il peut introduire dans nos échanges, notamment au regard des biais d’interprétation engendrés par ses intonations artificielles.
Quand l’intonation trahit l’intention
L’intonation est un aspect fondamental de la communication humaine, porteur de sens et d’émotion. Lorsqu’elle est générée par une synthèse vocale, cette intonation peut parfois tromper nos sens et altérer notre compréhension du message. Un texte écrit avec la plus grande neutralité peut, sous l’effet d’une intonation mal adaptée, sembler froid, distant, voire tranchant. Ces perceptions dépendent également de l’état émotionnel dans lequel nous nous trouvons au moment de l’écoute. Fatigue, stress ou contrariété peuvent encore renforcer cette distorsion, créant ainsi des malentendus là où il n’y en avait pas lieu d’être.
Une anecdote personnelle révélatrice
Je me souviens d’une expérience personnelle qui illustre bien cette problématique. Un membre de ma communauté m’avait posé une question sur notre forum de discussions, et, pressé par le temps, j’avais opté pour une réponse concise et directe. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque cette personne me reprocha ensuite la concision de mon message, qu’elle qualifia de “laconique”. Ce que je pensais être une réponse précise et efficace avait été perçu comme une forme de détachement. Cette situation m’a poussé à réfléchir à la manière dont nos intentions peuvent être mal comprises lorsqu’elles sont interprétées par une synthèse vocale, sans le soutien d’indices visuels ou émotionnels, comme des emojis ou des variations vocales plus humaines.
Ce genre de malentendus, bien qu’ils puissent sembler anecdotiques, peut parfois générer une distance entre les individus et brouiller la communication. J’ai réalisé à quel point il est essentiel d’en être conscient, pour éviter de se laisser piéger par des interprétations erronées, surtout lorsqu’il s’agit de nos échanges numériques.
Le braille : une lecture sans détour ?
Dans ce contexte, il me semble intéressant de rappeler le rôle que peut jouer le braille pour les personnes le maîtrisant. En effet, contrairement à la synthèse vocale, la lecture tactile en braille offre une interprétation directe du texte, sans l’interférence des biais induits par une voix artificielle. Cela permet, à bien des égards, de se libérer de ces nuances trompeuses. Bien entendu, cette pratique demande une compétence particulière, mais pour les braillistes, elle représente une alternative précieuse, capable de contourner certaines limitations de la synthèse vocale.
L’espoir apporté par les intelligences artificielles génératives
Heureusement, face à ces défis d’interprétation, les avancées technologiques nous offrent des perspectives nouvelles. Les intelligences artificielles génératives, qui s’améliorent sans cesse, permettent de mieux comprendre le contexte des messages et d’adapter les intonations de manière plus fine et naturelle. À terme, elles pourraient réduire ces biais d’interprétation. Des progrès significatifs sont déjà en cours, et il est légitime d’espérer que ces technologies parviendront, dans un avenir pas si lointain, à reproduire des inflexions plus fidèles à celles d’une voix humaine.
Toutefois, même avec ces promesses technologiques, il est essentiel de demeurer vigilant face aux limites actuelles de la synthèse vocale. Une meilleure compréhension de ces biais nous aide à naviguer plus sereinement dans nos interactions numériques.
Une invitation à la réflexion
Cet édito n’a pas pour vocation de proposer des réponses définitives, mais plutôt d’ouvrir une réflexion sur la manière dont la synthèse vocale façonne nos échanges. Bien que les progrès technologiques soient prometteurs, ils soulèvent encore des interrogations quant à leur capacité à combler les écarts subtils entre intention et interprétation.
Peut-être est-il utile de s’interroger sur nos propres perceptions, sur la façon dont ces voix synthétiques influencent notre relation avec le texte et avec autrui. À mesure que la technologie évolue, il semble intéressant de suivre cette transformation et de rester attentifs à ce qu’elle nous révèle, à la fois sur nos outils et sur nous-mêmes.
Kevin
Merci pour cette édito très intéressant et juste. En ce qui me concerne, depuis la première fois que j’ai touché un ordinateur, j’ai toujours préféré le braille au vocal. Ceci dit, sur le nouvel iOS, j’attendais de nouvelles voix de la part d’Apple. Je constate avec amertume que les bugs existent toujours. Ce qui est très gênant, notamment lorsqu’on lis des livres. C’est pourquoi, je pratique le braille de plus en plus.
Merci pour ton commentaire, Johan. Je comprends tout à fait ta préférence pour le braille, surtout avec les bugs persistants des voix sur iOS, comme tu le mentionnes. J’espère également qu’Apple apportera bientôt des améliorations. En attendant, le braille reste une solution précieuse pour ceux qui le maîtrisent.
Coucou Kevin,
quel bel édito. Je te rejoins dans tes propos. Cela est d’autant plus vrai lors d’échanges amicaux voire intimes. La synthèse vocale peut presque devenir intrusive. Le braille reste la meilleure solution quand on peut en bénéficier, mais dans ce monde où tout va vite, où il faut parfois être plus que réactif, on ne prend plus le temps de lire avec nos doigts, mais aussi de mettre les ponctuations là où il faut, sans parler de l’écriture vocale qui vient renforcer ce sentiment.
Très belle journée 😁
Coucou Assia,
Il est vrai que dans les échanges intimes, la synthèse vocale a parfois tendance à effacer ces nuances si précieuses, créant ainsi des biais qui peuvent altérer la véritable intention. Et comme tu le soulignes si justement, le rythme effréné de notre quotidien nous pousse souvent à privilégier la rapidité au détriment du braille, pourtant si essentiel pour une lecture plus authentique. Je te remercie pour ce commentaire, et te souhaite une agréable soirée. ☺️
Merci Kevin de souligner ce point primordial. À la lecture de certains mails dont le contenu me paraissait choquant, il met plusieurs fois arrivé de redire à haute voix la phrase que je venais d’entendre, pour essayer de déceler la véritable intentions de son auteur.
Je ne sais pas si une intelligence artificielle pourra un jour réellement comprendre un texte et lui donner les intonations appropriées. Comment lui faire comprendre les notions de second degré par exemple ?
Mes expériences sur le site de Eleven Labs qui propose des voies de synthèse nourries d’intelligence artificielles, et qui te permet même moyennant un abonnement d’y inclure tes propres Voix, sont certes agréables, mais il faut être indulgent avec ses pauvres machines tout de même…
Bien à toi,
Jp
Merci, JP, pour ton message. Reformuler à haute voix peut effectivement être une bonne approche pour mieux percevoir les nuances que la synthèse vocale a du mal à restituer, même si ce n’est pas une méthode que j’ai personnellement adoptée. Quant à l’intelligence artificielle, réussir à saisir des subtilités comme le second degré reste un défi de taille. Sans parler que, pour l’instant, ces voix basées sur l’IA ont souvent un accent anglo-saxon et ne sont pas encore de véritables voix françaises. Les progrès, comme ceux d’Eleven Labs, sont intéressants, mais ces technologies ont encore du chemin à parcourir. Bien à toi.
Bonjour,
Tout-à-fait d’accord avec ce qui a été dit dans l’édito et dans les commentaires.
Je me souviens qu’au temps lointain où je faisais mes études, j’avais fait enregistrer des livres pas franchement marrants à lire par de gentils bénévoles. Du coup, je m’obligeais à les écouter:
“Non non, une personne dévouée s’est donné la peine de lire ça consciencieusement, donc maintenant, la moindre des choses, c’est d’écouter, de manière tout aussi consciencieuse…”
Si je faisais mes études aujourd’hui, je ferais sans doute alt-f4 un peu trop rapidement, sans trop insister. 🤔😆
Mais il y a quand même des bugs de prononciation qui auraient pu, et dû être corrigés depuis longtemps, et la moindre erreur d’écriture, dont les voyants ne vont peut-être même pas s’apercevoir, s’entendent tout de suite pour nous. Ex: le “heure heure” dans Météo depuis Ios18.
Comme il est écrit “h heure”, VO prononce quelque chose qui ne va pas.
Eh oui ! À l’époque des livres enregistrés, il y avait un certain devoir d’écoute par respect pour ceux qui prenaient le temps de lire. Aujourd’hui, avec la synthèse vocale et la possibilité d’appuyer sur Alt-F4, il est vrai que la patience peut se faire plus rare ! 😄 Concernant les bugs de prononciation, comme le fameux “heure heure” sous iOS 18, tu as raison, ce sont des erreurs qui auraient dû être corrigées depuis longtemps. Ces petits détails passent inaperçus pour certains, mais pour nous, ils sautent aux oreilles. Merci pour ton commentaire ! 😉