Archives de catégorie : Édito

Entre fidélité et incarnation : quelle place pour l’audiodescription ?

Il y a quelques jours, lors d’une projection privée d’une œuvre française récente, j’ai été particulièrement interpellé par un détail singulier dans l’audiodescription. Plutôt que de suivre la neutralité escomptée, la narration adoptait un registre familier – des expressions telles que : “il lève son flingue”, “elle s’engouffre dans la bagnole” se mêlaient aux images. Ce choix, loin d’être anodin, a éveillé en moi une réflexion inattendue. Jusqu’alors, j’avais toujours perçu l’audiodescription comme une canne blanche du cinéma, un fil d’Ariane discret et objectif permettant de se frayer un chemin à travers l’image. Pourtant, ici, elle semblait revêtir une autre dimension, oscillant entre la transmission fidèle et une forme d’appropriation stylistique. Une subtilité qui, au fil du visionnage, a nourri ma perception de sa véritable vocation, au point de susciter en moi l’élan d’écrire cet édito. Continuer la lecture de Entre fidélité et incarnation : quelle place pour l’audiodescription ?

Édito : Loin des yeux, près du cœur

On entend souvent que le regard est la clé de la séduction. Que tout commence par ce premier échange silencieux où chacun tente de capter l’attention de l’autre.

Récemment, en regardant un épisode d’une série que j’affectionne, une scène a retenu mon attention. Un coach en séduction expliquait à son élève que sans contact visuel, il était impossible de séduire. Selon lui, tout passait par là : pas de regard, pas d’alchimie.

J’ai souri en l’entendant, parce que, dans mon quotidien, cette règle n’existe pas. Et pourtant, les connexions, je les vis autrement.

Comme ce jour-là, où j’avais simplement besoin d’un trajet pour aller faire du shopping. Continuer la lecture de Édito : Loin des yeux, près du cœur

Greta : une accessibilité à l’audiodescription sous condition

L’application Greta s’était imposée comme un outil précieux pour les cinéphiles déficients visuels, offrant la possibilité de télécharger des audiodescriptions et de les synchroniser avec les films, qu’ils soient projetés en salle, diffusés à la télévision ou visionnés en Blu-ray, DVD ou via des plateformes de streaming. Mais avec ses récentes restrictions, son utilité se trouve aujourd’hui largement remise en question. Continuer la lecture de Greta : une accessibilité à l’audiodescription sous condition

Édito : Edencast, la constance d’une quête

L’année s’achève doucement, comme une note qui disparaît dans le lointain, laissant dans son sillage l’écho de nos échanges et la richesse des instants partagés. À l’orée d’une nouvelle année se dessine un jalon précieux : quinze années d’une histoire écrite à plusieurs mains, où l’accessibilité s’est érigée en une valeur profondément humaine.

Mais cette aventure n’aurait pu voir le jour sans l’engagement de chacun. Chaque idée partagée, chaque soutien discret ou tangible est une pierre posée avec soin pour bâtir cet édifice collectif.
Dans cet instant suspendu entre ce qui fut et ce qui prend forme, accueillons les prémices de ce qui s’annonce. Ensemble, nous traçons un chemin nourri par l’innovation, enrichi par le partage et porté par une vision commune.

Votre présence est la force vive qui anime ce chemin, et chaque pas témoigne de cette flamme qui ne faiblit jamais. Merci d’être les artisans et les gardiens de cette aventure. Le livre d’or, pour ceux qui le désirent, est un écrin précieux pour vos témoignages, un espace où vos mots pourront, à leur tour, enrichir cette histoire collective. 🥰

Kevin

Édito : La dictée vocale, entre inclusion et illusion

Depuis son apparition avec l’iPhone 4S en 2011, la dictée vocale de Siri a révolutionné la manière dont les personnes déficientes visuelles saisissent du texte. En offrant une solution rapide sur des appareils tactiles, elle s’est imposée comme un outil incontournable, bientôt rejoint par des alternatives sur Android, Windows et d’autres plateformes.

Mais si cette technologie a simplifié la vie de nombreux utilisateurs, elle n’est pas sans défauts. Utilisée sans précaution, elle peut engendrer des situations cocasses ou des malentendus, parfois lourds de conséquences.

Quand vitesse rime avec maladresse

Écrire sur un écran tactile sans assistance visuelle est souvent un défi. La dictée vocale s’est alors imposée comme une alternative séduisante dans un monde où le braille est parfois perçu (à tort) comme dépassé ou contraignant. Mais cet usage comporte aussi des risques, surtout lorsqu’on néglige la relecture.

Certaines erreurs issues de la dictée vocale prêtent à sourire. Par exemple, un utilisateur dictant “Tu me diras où t’habites” s’est retrouvé avec “Tu me diras où ta bite”. Dans un autre cas, une phrase aussi anodine que “J’ai ajouté cette information sur le Mac” s’est transformée en “J’ai ajouté cette information sur le mec”.

Ces anecdotes, rapportées par des membres de la communauté Edencast, montrent que ces fautes, bien qu’amusantes, peuvent facilement passer inaperçues. Elles rappellent combien il est essentiel de relire ses textes, surtout lorsque l’on est distrait ou peu habitué à vérifier chaque mot. Si ces situations peuvent prêter à sourire dans un cadre informel, elles risquent de nuire à la crédibilité dans des échanges sérieux.

Une aide, pas une solution miracle

Ces dernières années, de nombreux utilisateurs ont adopté la dictée vocale comme méthode principale d’écriture, souvent au détriment de la relecture ou de l’apprentissage des bases. Mais si cette technologie peut simplifier notre quotidien, elle ne doit jamais remplacer des compétences essentielles comme la maîtrise du braille.

Le braille n’est pas qu’un simple outil de lecture : il est le fondement de l’accès à la langue écrite pour les personnes aveugles. Il permet de comprendre la structure des mots, de visualiser l’orthographe et de développer une maîtrise approfondie de la grammaire. Or, dans un monde où la dictée vocale tend à prendre le pas sur ces apprentissages, il est urgent de réhabiliter l’utilisation du braille, non comme une contrainte, mais comme un levier d’autonomie et de qualité rédactionnelle.

Certes, l’apprentissage du braille demande du temps et de la pratique, mais ses bénéfices à long terme sont inestimables, que ce soit pour rédiger sans ambiguïté ou pour éviter des erreurs que même les meilleurs algorithmes ne sauraient corriger. Il constitue une richesse irremplaçable, et le laisser disparaître serait une perte majeure, tant sur le plan individuel que collectif.

Retrouver l’équilibre

La dictée vocale est une alliée précieuse. Elle permet de gagner du temps, facilite les échanges et s’intègre dans un large éventail de technologies. Mais pour en tirer le meilleur parti, elle doit être utilisée avec vigilance. Relire ce que l’on dicte, apprendre à optimiser son utilisation, et surtout, ne pas délaisser les bases de l’écriture restent essentiels.

En 2025, les outils basés sur l’intelligence artificielle promettent d’améliorer encore l’expérience utilisateur. Certains dispositifs, déjà en cours de déploiement, détectent automatiquement les ambiguïtés contextuelles ou adaptent la transcription aux habitudes des utilisateurs. Ces innovations sont prometteuses, mais elles ne remplaceront jamais les compétences humaines et la richesse du braille.

En fin de compte, le véritable enjeu n’est pas de rejeter ces technologies, mais de trouver un équilibre entre leur exploitation et la préservation des savoirs fondamentaux. C’est peut-être là que réside notre plus grande force d’adaptation.

Note

Cet édito a été initialement publié le 7 janvier 2015. Près de Dix ans plus tard, nous constatons que la situation s’est encore dégradée dans ce domaine, malgré les avancées technologiques. C’est pourquoi il nous a semblé nécessaire de le mettre à jour pour refléter les défis actuels et réaffirmer l’importance de préserver les compétences fondamentales telles que la maîtrise du braille.

Kevin

L’intelligence artificielle, un pont vers l’autonomie et la découverte

L’intelligence artificielle révolutionne notre manière d’appréhender l’environnement, ouvrant des perspectives nouvelles pour ceux confrontés à des défis d’accessibilité. Un exemple frappant, relaté avec justesse, illustre cette avancée : pressée par le temps dans un aéroport, une personne aveugle a choisi de s’appuyer sur l’application Seeing AI pour lire les panneaux d’orientation et ajuster son parcours. Plutôt que de dépendre d’une assistance humaine, souvent contraignante, elle a pu rejoindre sa porte d’embarquement en toute autonomie, révélant la capacité de ces outils à convertir des contraintes en opportunités. Continuer la lecture de L’intelligence artificielle, un pont vers l’autonomie et la découverte

Edito : Quand la modernité se heurte aux traditions bancaires

Depuis plusieurs années, les portes d’une banque traditionnelle ne faisaient plus partie de mon quotidien. À travers les néo-banques, j’avais trouvé l’autonomie immédiate et une précieuse liberté, affranchie des contraintes d’antan. Mais une récente démarche m’a ramené dans l’univers de ces institutions, où l’architecture imposante et les protocoles immuables dressent leurs remparts du passé. Pour moi, qui suis aveugle, cette incursion a révélé combien inclusion et modernité restent, pour certaines banques, des idéaux lointains. Continuer la lecture de Edito : Quand la modernité se heurte aux traditions bancaires

Édito : Le souffle artificiel des mots

Dans notre quotidien de personnes déficientes visuelles, la synthèse vocale s’est imposée comme une alliée précieuse, nous ouvrant les portes de l’information et facilitant nos interactions avec un monde souvent peu adapté à nos besoins. Mais à quel point la voix qui nous lit nos messages reflète-t-elle réellement ce qui a été écrit ? Si cet outil est devenu indispensable, il est aussi intéressant d’examiner les subtilités qu’il peut introduire dans nos échanges, notamment au regard des biais d’interprétation engendrés par ses intonations artificielles. Continuer la lecture de Édito : Le souffle artificiel des mots

Astro Bot sur PS5 : Innovation et exclusion, l’accessibilité en question

Sorti ce vendredi 6 septembre, Astro Bot sur PlayStation 5 a immédiatement séduit par son utilisation ingénieuse de la manette DualSense, qui permet de ressentir chaque action de manière tactile et immersive. L’aventure proposée par Team Asobi, riche en couleurs et en créativité, s’est imposée comme l’un des jeux les plus inventifs de la décennie, au point d’être déjà cité comme un potentiel jeu de l’année.

Cependant, malgré cette prouesse technique, le jeu reste totalement inaccessible aux personnes aveugles. Aucune fonctionnalité comme la synthèse vocale ou l’assistance à la navigation n’a été intégrée, privant ainsi une partie des joueurs de cette expérience pourtant saluée pour son immersion sensorielle.

Les sensations uniques offertes par les retours haptiques de la manette, qu’il s’agisse de la texture du sable sous les pieds d’Astro ou de la tension ressentie en compressant un ressort, sont au cœur de l’immersion. Mais pour les joueurs non-voyants, ces éléments demeurent hors de portée, soulignant un manque d’inclusivité dans la conception du jeu.

L’accessibilité dans les jeux vidéo ne peut plus être reléguée au second plan. Si Astro Bot impressionne par son audace et sa qualité, il rappelle aussi que l’excellence passe par la capacité à inclure tous les joueurs, sans exception. Dans un contexte où l’inclusivité devient primordiale, il est temps que l’accessibilité soit pensée dès la création des jeux, et non comme une option supplémentaire. Il est à espérer que des jeux futurs, ambitieux comme Astro Bot, offriront une immersion exceptionnelle tout en étant accessibles à tous, sans compromis.

Kevin