Édito : Le jour où j’ai quitté JAWS pour Windows

S’il ne fait aucun doute que JAWS pour Windows est un lecteur d’écran abouti et performant, l’heure est néanmoins venue pour moi de conclure ce chapitre le concernant. Autant le dire d’emblée, cet édito n’a aucunement pour objectif de dénigrer ce lecteur d’écran mais simplement de relater une expérience personnelle dont le prologue a débuté il y a un peu plus de vingt ans.

Retour vers le passé

Mon premier rendez-vous avec JAWS eut lieu vers la fin des années 90. Les adultes de l’école dans laquelle j’étais scolarisée avaient un mal fou à focaliser mon attention sur quoi que ce soit, à l’exception de ce qui a trait à l’informatique. À la lumière de ce constat, une enseignante eut la brillante idée de suggérer à l’un de ses collègues (professeurs en informatique) de me faire participer à ses cours, en dépit du fait qu’ils étaient réservés aux lycéens et que je n’étais qu’un enfant…

Pour tenter de me canaliser, le gentil prof entrepris donc de m’initier à l’environnement graphique du moment : Windows 95 associé au fameux lecteur d’écran compatible : JAWS Pour Windows. Autant vous dire que la rencontre avec cette interface plutôt atypique fut un véritable coup de cœur (pour ne pas dire coup de foudre)… Puisque nous avons vécu une grande histoire d’amour durant plus d’une vingtaine d’années… Tels furent les effets bénéfiques de cette intuition féminine ! 😉

JAWS : Un lecteur d’écran conçu par ses utilisateurs

A cette époque, chaque itération de ce lecteur d’écran intronisait son lot de belles découvertes et ouvrait des portes insoupçonnées aux déficients visuels sur le plan de l’autonomie. A mon humble avis, cette étape fut la meilleure de toute l’histoire de JAWS, car il s’agissait d’un temps où ceux qui contribuaient à son développement avaient leur mot à dire sur ses évolutions.
Au fil des versions successives, le logiciel finit logiquement par atteindre sa pleine maturité et nous étions nombreux à commencer à penser que son éditeur se souciait davantage de ce qu’il pouvait lui procurer en terme de profits financiers, au lieu de chercher continuellement à améliorer l’expérience utilisateur.
Une stratégie qui contribuera quelques années plus tard au déclin de JAWS, au profit d’autres programmes du même acabit.
Néanmoins, il semble qu’une politique plus pragmatique visant à endiguer ce déclin tende récemment à supplanter cette stratégie, mais je crains qu’il ne soit déjà trop tard pour en récolter massivement les fruits.

L’éclosion de solutions alternatives

Parallèlement à ces évolutions, d’aucuns se mirent en tête de militer pour des solutions alternatives, notamment en arguant qu’il est injuste que des aveugles soient plus ou moins contraints à payer une somme astronomique (plus de 1500 €) afin de pouvoir exploiter un ordinateur dans de bonnes conditions. Ce militantisme contribua à l’apparition de solutions issues du Logiciel Libre telles que le lecteur d’écran Orca (sous Linux) et NVDA (pour Windows).

Or, si à l’époque ces logiciels n’étaient guère en mesure de rivaliser avec leur principal concurrent commercial, les choses ont bien changé… A tel point que certaines entreprises en ont fait leur programme de prédilection et qu’elles œuvrent à les intégrer notamment au sein des administrations publiques !

Du handicap business vers l’accessibilité universelle

Pour autant, l’accessibilité c’est bien, mais intégrée à des produits grand public, c’est mieux… Tel était la vision utopiste que je nourrissais à cette époque, jusqu’à ce que des grandes entreprises comme Microsoft avec son narrateur) et plus encore Apple avec VoiceOver finirent par concrétiser. Depuis, Google a finalement suivi le mouvement avec ses lecteurs d’écran pour Chrome OS et Android (ChromeVox et TalkBack).

Quoique l’on puisse gloser sur les faiblesses de telle ou telle solution grand public, il ne fait aucun doute que c’est principalement par ce biais que passera l’avenir de l’accessibilité numérique. C’est là le seul moyen de garantir l’usage des nouvelles technologies au plus grand nombre et plus particulièrement à une population vulnérable du fait de son handicap.

Retour vers le présent

En tant que technophile passionné et au-delà de ma vie professionnelle, j’aime garder un œil constant sur l’évolution des différentes plateformes accessibles aux déficients visuels, nonobstant ma préférence pour les produits Apple. C’est dans ce contexte que jusqu’à récemment, je continuais à utiliser JAWS malgré ma bonne connaissance de NVDA. Avec le recule, j’ai compris que c’était essentiellement dû à la relation symbiotique évoquée en introduction.

La décision de couper le cordon s’est finalement imposée à moi, lorsqu’il m’a fallu renouveler ma licence personnelle de JAWS en vue de bénéficier de la dernière mouture (17). Pour la première fois, je me suis dit : “mais attends ! Tu maîtrises NVDA. Utilise-le avec l’ensemble de tes programmes habituels durant quelques semaines sans jamais recourir à JAWS et ensuite, tu décideras si ça vaut la peine de claquer des centaines d’euros pour renouveler ta licence !”

De par cet édito, je parie que vous avez probablement deviné quelle fut l’issue de ce défi…

K.

14 réflexions sur « Édito : Le jour où j’ai quitté JAWS pour Windows »

  1. Super !
    Il y a au moins quelqu’un qui m’a rejoint dans ma logique !
    En effet ça fait longtemps que j’ai abandonné Jaws

  2. Salut Kevin, c’est un très bel édito. J’imagine en effet l’issue de celui-ci. Pour ma part j’utilise JAWS mais également NVDA de temps en temps.
    NVDA propose beaucoup de fonctionnalités, de modules, de scripts etc.
    Cependant je préfère tout de même JAWS, même si il est honéreux comme tu l’as si bien expliqué.
    Après, peut-être que ce n’est qu’une simple question d’habitude, mais pour ma part, JAWS reste, dumoins pour le moment mon compagnon de route.
    Mais c’est une très belle expérience et je te remercie de l’avoir partagé.

  3. Salut Kevin,
    Tout d’abord très content de te voir de retour parmi nous. Félicitations pour ton édito et pour ton courage a dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Plus nombreux nous serons nombreux à utiliser NVDA et mieux ça vaudra, surtout des personnes comme toi ayant une maîtrise en informatique, capable d’apporter des critiques constructives à fin d’améliorer NVDA. Bon courage et merci beau coup.

  4. Bonjour Kevin et tous ! Ah, je me sens moins seul d’un seul coup LOL ! Ca fait un bout de temps que j’ai laissé Jaws. J’en avait assez de courir après des solutions craquer en me demandant si ça fonctionnerait ou pas. De toute façon, Jaws et devenu vraiment beaucoup trop lourd, et il y a des choses vraiment superflu qui ne servent à rien du tout. J’ai une petite demande, une chose me gêne un peu avec NVDA, y a-t-il un moyen de joindre le curseur PC à curseur NVDA comme on faisait avec Jaws ? Je vous remercie par avance, bien amicalement, Mickaël.

  5. Je continue à utiliser jaws au quotidien et pourtant je pense ne l’avoir payé qu’une fois en 15 ans. Mais avec le niveau qu’a atteint nvda la question se pose en effet

  6. Bonjour Kevin,

    Merci pour cette rétrospective de l’histoire des revues d’écrans.
    Pour ma part, j’ai abandonné Jaws il y a trois ans pour Voiceover. Ce qui m’a semblé le plus déroutant, c’est la navigation sur Internet. C’est grâce à edencast que j’ai eu le courage de prendre cette décision.
    Merci encore.

  7. Bonjour Kevin, et merci pour cet édito.

    Personnellement depuis quelques mois, j’ai pris l’habitude d’utiliser NVDA chez moi au quotidien la plupart du temps, ce qui m’a permis de constater les énormes progrès réalisés par ce logiciel libre en quelques années, et la réactivité de la communauté francophone pour trouver des astuces en réalisant des modules complémentaires pour répondre à nos besoins.

    Moi non plus je n’ai plus les moyens de suivre les mises à jour fréquentes de Jaws, et je suis resté ici à la version 13. Toutefois je garde “le requin” sur ma machine, car au-delà d’une nostalgie inconsciente, je trouve qu’il reste plus performant que NVDA pour quelques usages, disons plus pro. Mais surtout pour les points que je vais évoquer ci-dessous, n’hésitez pas si des solutions existent, à me montrer le contraire !

    En effet avec NVDA je me heurte à deux limites.

    D’une part en tant qu’inconditionnel du braille, dans certaines situations, j’aime bien me passer totalement de la synthèse de parole pour être plus attentif à mes interlocuteurs et à mon environnement : En cours de bureautique adaptée ou en réunion, au téléphone avec un client ou un recruteur … Or je constate que certaines annonces vocales importantes de NVDA ne sont pas reprises sur l’afficheur braille : signalement des mots mal orthographiés durant la frappe ou la relecture du texte par Word ou Mozilla Firefox, indication du titre de la ligne et ou de la colonne relatives à la cellules dans laquelle on se trouve, renseignement très utile pour pouvoir se repérer dans une feuille de calcul Excel …

    D’autre part quand un site Internet classique ou une application Web professionnelle ne suit pas les règles de base de l’accessibilité, NVDA ne permet pas de renommer un élément mal identifié (lien ou bouton, champ d’édition ….), ni de poser des repères pour retrouver rapidement les informations qui nous intéressent sur des pages mal structurées. Idem dans l’interface des logiciels.

    Voilà pour ma contribution du jour ! 🙂

  8. Coucou Kevin,

    Très joli édito, j’aime beaucoup le début pour ma part. Bravo à cette enseignante ! 😉

    Pour moi aussi, la navigation sur Internet avec VO ça a été le plus difficile, mais avec de la patience, et les podcasts, on s’y fait, juste dommage que depuis quelques versions de OS X, le braille suit vraiment mal, mais gardons espoir ! Je ne reviendrai pas à Windows. Je me suis arrêtée à JAWS 12, que je n’ai jamais pris le temps de paramètrer convenablement, mais il est là sur mon Netbook, je le garde, c’est sentimental. 🙂

  9. Il est clair que si l’on mettait ne serait-ce qu’un dizième du prix de la licence de JAWS au service du développement de NVDA, son évolution ne serait que plus rapide !

  10. Sur mon pc personnel, depuis 2009, je me suis habitué à nvda, J’ai toujours jaws sur mon pc en version de démonstration. Je n’ai pas voulu racheter de licence. nvda me convient. Cependant, dans le milieu professionnel, j’utilise jaws, et comme quelqu’un le disait,il permet d’insérer des repères pour la navigation internet. Mais espérons qu’un jour, nvda fasse cela. Maintenant je me pose une question sur la promotion faite pas ceciaa sur la commercialisation de jaws, vous l’avez peut-t-être lu ou entendu, JAWS à 1 € pour l’achat d’une plage braille (via une offre conjointe Freedom Scientific et Optelec) !Comment ça ce fait que jaws à 1 500 € est vendu à 1 € pendant quelques mois ?

  11. Salut, étant passé sur Windows 10 et suite à ta publication je me suis résolu à installer NVDA sur mon PC je voudrais juste savoir si il existe des voix de meilleure qualité que éloquence et si oui où puis-je en trouver

  12. Bonsoir.

    @Michael : la navigation à la manière de JAWS n’existe pas dans NVDA du moins, pas au sens où tu l’entends. Il faut que tu prennes le temps d’assimiler (et t’exercer) à l’exploitation des différents curseurs du lecteur d’écran et notamment la navigation par objet, revue de document et revue d’écran. Pour cela, je t’invite à consulter la documentation de NVDA.

    @Bruno : Tu peux également disposer des moteurs de Nuance et d’Acapela (tout comme pour JAWS)… Une petite recherche sur Internet devrait te permettre d’obtenir plus d’informations à ce sujet.

    Merci à toutes et tous pour vos petits messages ! ????

  13. Bonjour! J’ai abandonné Jaws en 2011 quand j’ai acheté mon MacBook Air. Je ne l’utilise maintenant qu’au bureau et chaque fois que mon ordi a des problèmes, je le haie de plus en plus et je m’ennuie de mon Mac. Bon, c’est peut-être simplement la composition Jaws/Windows/DBT et le fait que nous soyons dans un réseau immense qui nous bloque et nous oblige à utiliser certains logiciel, mais quand même. Je pense que la dernière version de Jaws valide dans mon dossier est 7.1.

  14. Un très bon édito. J’utilise maintenant aussi NVDA au quotidien avec satisfaction. toutefois, tout comme Chris le Toulousain, je déplore les mêmes manques même si pour mon usage, ils ne me manquent pas suffisamment pour devoir relancer JAWS. Mais c’est vrai qu’un peu plus de personnalisation des éléments, serait bien pratique.

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